Coeurs de Marie

On trouvait ces vivaces dans les jardins de curé que nos grand-mères affectionnaient tant. Elles ont gardé ce charme un peu suranné qui leur vaut une place de choix dans les jardins de vivaces. Il existe plusieurs variétés et même deux espèces susceptibles d’intéresser les amateurs.

Parmi les incontournables d’un jardin de vivaces, on retrouve toujours les cœurs de Marie. Ces vivaces apportent une touche romantique qui s’intègre parfaitement dans un jardin anglais. Elles font partie des floraisons de printemps qu’on guette chaque année avec impatience.

Des guirlandes de cœurs dans plusieurs coloris
La plante communément appelée cœur de Marie est une Dicentra, espèce spectabilis. Il s’agit d’une vivace aux racines rhizomateuses. Son aspect est plutôt gracile avec des tiges souples et arquées. Les fleurs, retombantes, ont une forme caractéristique de cœur. Elles sont, sur l’espèce type, d’un rose tendre et un blanc pur. Les feuilles, composées, finement découpées, vert plus ou moins pourpré, sont, elles aussii, très décoratives.  Mais attention, il existe également des cultivars comme ‘Valentine’ aux fleurs entièrement rouges. ‘Alba’ aux fleurs entièrement blanches, plus tardif et plus fragile au soleil que l’espèce type, ‘Goldheart’ aux feuilles vert jaune. Et puis il existe d’autres espèces, notamment D. formosa. Les feuilles sont plus longues, très finement découpées et portées par un long pétiole. Les fleurs sont regroupées en grappes et se dressent parfois au-dessus des feuilles. Sur la variété ‘Luxuriant’, elles sont rose pourpré et blanchissent en fanant. Si les D. spectabilis atteignent 1 m de haut à l’âge adulte, les D. formosa sont deux fois plus petites (40 à 50 cm).  Elles sont plus rustiques et plus tardives avec une floraison en mai et juin donc moins exposées aux dernières gelées. En revanche, il faut vraiment lui réserver un emplacement à l’ombre. C’est indispensable pour ‘Aurora’, qui est une formosa blanche avec un feuillage fin, vert gris bleuté.

Un sol frais et une ombre légère aux heures chaudes
Les cœurs de Marie vont bien sur des sols au pH neutre ou acide. Une bonne terre de jardin, riche en humus, sera parfaite. Mais il faut surtout un endroit ombragé, par exemple sous la ramure d’un arbre caduc, à la fois pour garder le sol assez frais en plein été, mais aussi pour protéger le feuillage des rayons directs d’un soleil qui serait trop chaud. C’est très important les premières années. Par ombre légère, on entend le soleil filtré par les feuilles d’un robinier, d’un frêne ou même d’un chêne aux heures les plus chaudes de la journée à partir de mai. Le soleil du matin peut convenir car il n’est pas trop dur. Sans une ombre protectrice, la plante peut souffrir et sécher sur place. En revanche, il peut arriver qu’elle entre en dormance prématurément, c’est-à-dire dès le courant de l’été. Ne vous inquiétez pas, elle peut repartir au printemps suivant sans dommage. Néanmoins, la bonne précaution à prendre est de garder au sol toute l’année un bon paillis de feuilles.

Une menace à surveiller de très près
Les D. spectabilis sont assez précoces. Dès le mois de mars, des jeunes pousses surgissent. Or, dans un bon nombre de régions, on peut encore craindre des gelées mordantes qui viendraient anéantir le réveil de la plante. Là encore, si vous avez un paillis de feuilles, il devrait suffire à les protéger. Le danger est moins fort dans les régions froides où le réveil naturel a lieu plus tard que dans les régions au climat intermédiaire (par exemple le grand sud-ouest) où des violents coups de froid tardifs causent de mauvaises surprises. En revanche, et c’est un sérieux atout, les cœurs de Marie ne sont pas convoitées par les limaces. Elles sont même délaissées par les gastéropodes comme le sont les giroflées, les jeunes pousses de pivoines, les bleuets. Mais à côté des cœurs de Marie, il y a souvent des heuchères, des tiarellas, des hostas, des pigamons, des brunneras et autres plantes qui elles sont la cible des limaces. Il est donc utile de rester vigilant.

Il ne faut surtout pas les déranger
Rustiques, solides, résistantes aux maladies, les Dicentra ne demandent pas de soins particuliers. Elles demandent juste un peu de patience car il faut compter quelques années (environ 5 ans) pour qu’un sujet puisse prendre sa taille adulte. Alors évidemment, il ne faut surtout pas les déranger durant tout ce temps, mais même par la suite. Les racines rhizomateuses sont fragiles.
Pour multiplier une dicentra, ne cherchez pas à diviser le pied. Optez toujours pour le bouturage d’une racine. Ce mode donne de bons résultats et ne perturbera pas la plante.

On l’arrose seulement la première année
C’est vrai, les Dicentra sont des vivaces de sous-bois clairs et frais. Pour autant, cela ne veut pas dire qu’au jardin vous devez lui assurer un arrosage régulier. Evidemment, la première année, surtout le premier été qui suit la plantation, vous devez assurer un arrosage hebdomadaire au pied du sujet. Cela permettra d’accompagner l’ancrage des racines en terre. Mais les années suivantes, c’est inutile. La plante, sur un bon sol humifère et paillé, n’a pas besoin qu’on l’arrose. Elle pourrait même souffrir de cet excès d’attention. Sur une terre lourde, c’est même souvent la cause de vraies difficultés, voire d’assèchement de la plante dont les racines se retrouvent noyées et donc incapables d’ingurgiter l’eau versée. En réalité on n’arrose pas les cœurs de Marie sauf en cas de sécheresse très prolongée.

Louis Vittu

La Pulsatille

Cette petite vivace a peu d’exigences à satisfaire. Chaque printemps, elle resurgit fidèlement pour fleurir. Puis ses plumets échevelés et soyeux brillent dans le soleil jusqu’au milieu de l’été.

J’ai toujours adoré cette petite vivace de printemps. D’abord pour sa floraison, ensuite pour son feuillage duveteux, mais aussi pour ses surprenants plumets soyeux. C’est une plante assez courante dans les régions de la moitié nord du pays qui est beaucoup plus rare dans le Midi.

Ce n’est pas une anémone
On l’appelle communément anémone pulsatille en raison de la ressemblance de ses fleurs avec celles de certaines espèces d’anémone. Mais la pulsatille n’est pas une anémone. Elle fait l’objet d’un genre botanique à part entière, Pulsatilla. L’espèce type P. vulgaris peut pousser spontanément dans certaines régions. Elle a donné des variétés qui diffèrent surtout par les couleurs de la fleur, mauve pour l’espèce, rouge pour ‘Rote Glocke’, vieux rose pour ‘Papageno’, blanc pour ‘Alba’ et parfois avec des fleurs doubles, à très doubles comme ‘Prestbury Strain’.

Des plumets soyeux qui brillent plusieurs mois
Début avril, des tiges sortent de terre et se dressent à 25 cm du sol. Très vite, une fleur solitaire apparait en tête de tige. D’un diamètre de 8 à 10 cm, elle est en forme de cloche retombante et gracieuse. Quand elle fane, ses pétales tombent et la tige continue de s’allonger un peu. Puis, apparait un plumet surprenant, soyeux, qui accroche très bien la lumière. Après plusieurs semaines, le vent disperse les graines et le plumet disparait. Après la floraison survient également le feuillage, finement découpé et lui-même couvert d’une pilosité brillante.

Une puissante racine pivot
Cette petite plante presque délicate, 30 cm de haut, développe une solide tige pivot qui plonge sur plusieurs dizaines de centimètres dans le sol (parfois 1 m). C’est vrai dans les massifs et bordures mais également dans les rocailles. Résultat, la plante ne souffre pas de soif en plein été, même s’il fait très chaud, puisqu’elle trouve la fraîcheur en profondeur. Et en hiver, il peut geler à pierre fendre sans que cela puisse gêner la racine. En revanche, cela signifie qu’il est presque impossible de déplacer la plante, ou seulement si elle est encore très encore très jeune. D’ailleurs on achètera prioritairement des sujets en godet encore petits. Une fois installée, on ne la dérange plus.

Une vraie montagnarde
La pulsatille commune se plaît en plaine et en basse montagne jusqu’à 1 000 m d’altitude. Elle a gardé de ses origines une belle rusticité (jusqu’à -20°C), un besoin d’air et de soleil et le goûts des sols caillouteux, légers et très drainants. Dans une terre de jardin moyenne elle aura tendance à s’étaler au fil des ans pour former une belle touffe de 50 cm de large. Dans une rocaille, son développement restera limité à 20 ou 30 cm de large. La seule solution pour la multiplier est de faire des semis. Dès que les plantules ont quatre vraies feuilles, on repique avant que le développement racinaire soit trop important. On peut aussi récupérer des plants issus de semis spontanés.

Evitez les terres acides
La pulsatille n’est pas très gourmande. Inutile de lui apporter beaucoup de compost chaque année. Elle aime les terres moyennes à pauvres, en tout cas pas trop riches. Le sol peut être neutre ou calcaire. En revanche, évitez les terres franchement acides et les terres lourdes, compactes qui restent humides trop longtemps en hiver. Un bon drainage est essentiel.

Walter Brousse

Brunneras

Ces vivaces couvre-sols craignent bien plus le soleil estival et les fortes chaleurs que les gels d’un hiver rigoureux. L’ombre leur est indispensable mais quelques gestes simples permettent aussi de les ménager utilement.

Au printemps, on peut confondre les brunneras (ou buglosses de Sibérie) avec les myosotis. Ces deux plantes ont des fleurs très similaires, petites, réunies en grappes, souvent bleu vif ou blanc, et qui s’épanouissent en même temps (d’avril à fin juin). Mais les brunneras ont un feuillage splendide qui diffère d’une variété à l’autre.

L’espèce à grandes feuilles
Commençons par souligner que le nom même de l’espèce qui nous intéresse, B. macrophylla, signifie à grandes feuilles. Et c’est, à mes yeux, l’atout principal de ces brunneras. Elles forment des belles touffes de 45 cm de haut pour autant de large et ont tendance à se propager progressivement. Les feuilles atteignent en moyenne 15 à 20 cm de long et sont plus ou moins cordiformes.

Des variétés différentes
Il existe plusieurs variétés qui se caractérisent précisément par leurs feuilles. ‘Dawson’s White’, synonyme de ‘Variegata’, est très appréciée pour ses feuilles panachées d’un vert presque bleuté marginées largement de blanc crème. ‘Looking Glass’ surprend avec des feuilles d’un gris givré très original orné de veines vert franc. ‘Langtrees’ a des feuilles plus classiques d’un vert moyen souvent piqué de quelques points crème. Enfin, ‘Jackfrost’ a des feuilles gris argent, pointues et grandes.

Des soins simples mais très utiles
Ces brunneras sont solides et de croissance lente. Elles demandent seulement à être à l’ombre, et si possible, au pied d’un arbre où le sol reste frais et drainant toute l’année. La terre sera neutre ou acide, plutôt fertile. Très rustiques, elles supportent des froids jusqu’à -20°C. En revanche, elles souffrent vite si l’été est très chaud et sec. Il faudra arroser un peu et pailler pour garder un peu de fraîcheur. Autre précaution à prendre, il faut supprimer les hampes florales fanées. Vous éviterez à la plante une fatigue inutile. Désherbez soigneusement entre deux pieds. Le paillage permet précisément de garder le sol propre. Enfin, supprimez les feuilles abîmées par des chaleurs et une sécheresse trop fortes.

Ne divisez pas trop tôt
La meilleure façon de multiplier les brunneras est de les diviser. On opère en octobre car au printemps on risque trop de les déranger alors qu’elles resurgissent. Mais attention, il faut diviser les sujets déjà bien denses, c’est-à-dire qui ont au moins quatre ou cinq ans. N’oubliez pas que les brunneras sont de croissance lente. Il faut se montrer patient avec elles. D’autre part, il arrive souvent que les variétés panachées comme ‘Dawson’s White’ virent au vert uni après division, surtout quand on opère sur des sujets encore trop jeunes. Enfin, sur les brunneras, cette division des souches n’est pas toujours facile. C’est la raison pour laquelle on a tout intérêt à intervenir sur des sujets denses.

Pensez à les baliser
Les brunneras font partie de ces vivaces qui disparaissent totalement du sol en hiver. Il est donc plus prudent, au moins les premières années, de les pointer avec une baguette pour éviter de piétiner l’endroit. C’est aussi utile au printemps pour ne pas risquer d’arracher une jeune pousse à peine sortie de terre quand on désherbe dans les parages. Avec un peu d’expérience, ces risques disparaissent. Enfin, si vous plantez en octobre, associez-les aux épimédiums, aux hostas, aux ancolies, aux dicentras et aux tulipes et fritillaires.

Hélénies

Les hélénies sont un peu moins communes que les rudbeckias. Elles en sont assez proches, aussi solides, aussi florifères et aussi colorées. Et depuis quelques temps de nouveaux hybrides élargissent les possibilités.

Elles ressemblent un peu aux rudbeckias même si les fleurs sont plus petites. Mais elles tiennent aussi très bien en plein soleil et apportent des couleurs tard en saison.

Sur sol riche, c’est mieux
Originaires d’Amérique du Nord, ces vivaces poussent spontanément dans les grandes prairies arrosées par des cours d’eau. Dans nos jardins, elles adorent une bonne terre, fertile, régulièrement amandée par un compost maison. En fin de printemps, un paillis de feuilles et tontes gardera utilement le sol un peu frais sans qu’on ait à arroser souvent. Mais c’est vrai, les hélénies peuvent aussi s’adapter à des sols moyens, un peu calcaires, parfois même un peu lourds.

Ne plantez pas trop serré
La hauteur des tiges varie beaucoup d’une variété à une autre. Les plus basses, souvent les plus précoces, ne dépassent pas 50 à 70 cm, tandis que les plus hautes peuvent atteindre 1,40 m. La densité de plantation est forcément fonction de la hauteur des plantes mais on se contentera en moyenne de trois pieds au mètre carré. Si vous plantez plus serré, vous fragiliserez les hélénies qui sont pourtant naturellement résistantes aux maladies. Un seul pied ne tarde pas à former une belle touffe assez dense. Plus elle a de l’air autour d’elle, moins elle est sensible au blanc et à la rouille et mieux elle se tient en cas de fortes chaleurs.

Elle tolère tous les climats
Ces vivaces américaines sont assez rustiques pour faire face à des températures de -15°C, voire plus froides encore. Les étés chauds du sud et sud-est sont également bien vécus. En réalité, ces hélénies acceptent tous nos climats du continental à l’océanique. Il faut juste arroser le pied en cas de forte sécheresse et pailler.

Des floraisons de juillet à octobre
Le genre Helenium compte une quarantaine d’espèces avec des annuelles, des bisannuelles et des vivaces. Parmi ces dernières, certaines sont précoces et fleurissent dès le mois de juillet, d’autres à partir d’août ou même tout début septembre. Comme une floraison dure entre six à dix semaines, cela permet de fleurir les grands massifs de vivaces jusqu’à la seconde quinzaine d’octobre. Sur un sol frais et fertile, avec une exposition ensoleillée et pas trop ventée, les hélénies sont toujours plus belles.

On rabat tout l’hiver
Si vous plantez au bon endroit, dans une bonne terre en paillant, il n’y a pas de soin particulier à prévoir. On peut se contenter de supprimer les fleurs fanées au fil de la saison pour soutenir la floraison. En revanche, à la fin de l’automne ou au tout début du printemps, on doit tout rabattre à 10 cm du sol. Les déchets seront ensuite broyés avant de rejoindre le tas de compost. Des nouvelles tiges pourront alors surgir du massif et pousser rapidement au cours du printemps.

Des nouveaux hybrides à découvrir
L’espèce Helenium autumnale compte de nombreuses variétés et hybrides. Parmi les plus connus, citons ‘Bruno’, solide, 1 m, rouge cuivre à brun avec de gros capitules, fleurit d’août à fin octobre.
‘Ruby Tuesday’, fleur rouge à cœur doré, 60 cm , est aussi un tardif.
‘Waldtraut’, 80 cm, a de superbes fleurs jaunes flammées de brun.
Le grand ‘Konigstiger’, 1 m, aux belles fleurs rouge et or d’août à octobre, tient bien sous les fortes chaleurs de fin d’été.

Walter Brousse

Marguerite : on l’aime un peu, beaucoup, passionnément

Voilà une vivace qui nous est familière. Elle pousse à peu près partout, même en moyenne montagne. On a d’ailleurs adopté de nombreux cultivars dans nos jardins mais ils n’ont pas la résistance de l’espèce type.

Elles surgissent avec le mois de mai sur les prairies, les talus, les lisières de bois et les bords de route. Les marguerites annoncent enfin les beaux jours de fin de printemps et surtout le grand soleil. C’est une plante très commune dans toutes nos régions et sous tous nos climats.

Sur tous types de sols
La marguerite est une vivace qui pousse spontanément sur des sols neutres ou basiques, c’est-à-dire calcaires. Mais on la voit aussi sur des terrains un peu acides. Elle préfère en tout cas des terrains moyens ou pauvres, toujours drainants, plutôt frais mais sans excès d’humidité. Elle colonise les emplacements ensoleillés. Sa taille peut varier avec des tiges allant de 30 à 80 cm de haut. Plus le sol sera riche, plus les tiges seront molles et auront tendance à se coucher.

Ce n’est pas une matricaire
Cette marguerite commune ou Leucanthemum vulgare a des fleurs simples (diamètre 5 cm), qui comptent 20 à 30 pétales d’un blanc pur. Le cœur de la fleur est jaune vif. Les feuilles alternes, ovales, poilues et à bord denté, sont d’un vert foncé.
La matricaire camomille (Matricaria recutita) est assez proche. Ses pétales blancs (ligules) sont souvent orientés vers le bas avec des capitules jaunes proéminents et pointus. Elle a une odeur très forte que n’a pas la marguerite.

Les marguerites de jardin
La marguerite a donné lieu a de nombreux cultivars à fleurs simples, semi-doubles ou doubles. ‘Reine de Mai’, 70 cm, précoce, est toujours appréciée. Il y a aussi des hybrides de Leucanthemum x superbum avec des grandes fleurs (10 cm de diamètre) portées par des tiges de 90 cm. Les floraisons sont souvent plus tardives (de fin juin à fin août). Elles tolèrent moins la sécheresse que leur cousine sauvage.

Catherine Larenaudie